Ce n’est pas « l’État » qui supprime des postes, ce sont les décisions politiques de droite
Il y aura 1500 internes de moins l’an prochain. Le problème, ce n’est pas « l’État », mais les politiques comptables appliquées à l’hôpital, au système de soin en général, et aux revendications de certains médecins qui ont fait beaucoup de mal. Chers jeunes confrères et consœurs, je vous incite à ne pas vous tromper d’ennemis, et à regarder objectivement qui sont les responsables de vos difficultés. Battons-nous ensemble.
Il y aura 1500 internes de moins l’an prochain.
Cela arrive au pire moment, et c’est une catastrophe.
Mais j’ai souhaité répondre à qui comporte plusieurs « erreurs », comme mal nommer les responsables du désastre en les appelant « l’État », tandis que « la droite » serait plus adaptée.
Mon jeune confrère, auteur de ce fil, est très en colère contre cette réforme et honnêtement, comme tous les étudiants en médecine de France, il a de très bonnes raisons de l’être. Mais il se trompe d’ennemi en nous disant ça, soit par naïveté, soit par orientation idéologique.
Quand on parle de la démographie médicale catastrophique en France, il faut toujours rappeler qu’il s’agit d’une pénurie organisée de médecins, car nous n’en avons pas formé assez dans les années 1980 et 1990, à la demande d’une partie des médecins et des politiques de l’époque.
Il est très important de rappeler qui a pris ces décisions. .
Merci à la frange la plus réactionnaire des médecins et aux politiques férus de rentabilité…
Venir nous dire « l’État », qui est souvent confondu avec le service public de l’enseignement supérieur ou de la santé, c’est au mieux très vague, au pire, assez malhonnête. Ce sont des droitards qui ont pris ces décisions. Ça serait bien qu’ils arrêtent de décider des trucs.
Donc maintenant, cette réforme.
Elle est dans les tuyaux depuis longtemps (dix ans) soutenue par l’ANEMF (syndicat d’étudiants en médecine dont on se demande parfois quels intérêts ils défendent, mais passons…)
Et là, c’est l’occasion de rappeler un élément très important.
Non, la suppression du numerus clausus d’Emmanuel Macron n’a pas permis d’augmenter drastiquement le nombre d’étudiants en médecine. Nous ne sommes pas assez nombreux pour soigner, donc également pas assez nombreux pour former.
Les réformes successives des études de médecine sont souvent un cauchemar à mettre en œuvre. Je le dis de l’intérieur, car à côté de mon activité libérale, j’ai une activité de formation des étudiants en médecine, plus spécifiquement des internes de médecine générale.
La réforme du concours de la sixième année est compliquée à mettre en œuvre, et beaucoup d’étudiants n’ont pas voulu être de la promo « crash test », car ce concours détermine leur spécialité, et c’est pas rien, pas rien du tout. Je les comprends. Beaucoup ont choisi de redoubler.
Une rapide explication sur les ECOS, cette nouvelle épreuve orale a pour but d’évaluer les savoirs « pratiques » de l’étudiant, aurait nécessité plus d’épreuves, plus longues, pour être plus juste, mais on ne dispose simplement pas assez d’enseignants pour le faire. C’est un vrai problème.
Ainsi, la majorité des étudiants qui manquent cette année présenteront le concours l’année suivante, et ça va se lisser. Mais en attendant, cette année, c’est le zbeul. Les recalés sur la note plancher représentent environ 20% des internes manquants et 3% du total.
Normalement, un hôpital devrait pouvoir tourner sans ses internes. Ce n’est pas le cas en France, les étudiants en médecine sont effectivement une main d’oeuvre pas chère et corvéable ; c’est une honte et le symptôme du sous investissement chronique dont souffre l’hôpital public.
Le problème n’est donc pas juste cette réforme en soi, qui est un symptôme et non une cause. Le problème n’est pas « l’État », mais les politiques comptables appliquées à l’hôpital, au système de soin en général, et aux revendications de certains médecins qui ont fait beaucoup de mal.
Les étudiants en médecine de France arrivent dans leur vie professionnelle au pire moment de la démographie médicale. Nous leur devons la meilleure formation, le respect, de bonnes rémunérations, de bonnes conditions de travail, et ce n’est pas le cas.
Je vous incite à ne pas vous tromper d’ennemis, et à regarder objectivement qui sont les responsables de vos difficultés. Nous devons arrêter de laisser ceux qui ont causé les problèmes nous proposer des « solutions » pour les résoudre.
Un système de soin public avec un investissement massif dans le soin et dans la formation des soignant·es est la seule garantie pour que vous puissiez bien soigner et être épanouis dans le métier qui, à mes yeux, est le plus beau du monde : celui de soignant.
Battons-nous ensemble