Élections 2024 : éléments d’analyse 

Des pistes pour comprendre

67 % contre 48 % en 2022 (qui était le score le plus bas de la 5eme répu- blique), mais encore inférieure de 13 points aux années 70 (81 %)
Les abstentionnistes sont plus jeunes et un peu plus pauvres (47 % de ceux qui gagnent moins de 1259€/mois) 50 % déclarent une sympathie partisane et on voit qu’ils sont plus nombreux à gauche qu’à droite. 

En 2024 par rapport à 2022 la droite gagne 7 millions de voix et la Gauche 2,5 millions : les abstentionnistes de 2022 qui ont voté en 2024 ont un comportement similaire à celui des votants…
L’abstention et les votes blancs et nuls représentent 41 % des électeurs potentiels, l’extrême droite 20 %, la Droite 6 %, les Macronistes 13 %, la gauche 17 %. 

À droite : 

Ø Les Macronistes sont passés de 32 % des surfrages en 2017 à 22 % en 2024, mais ils ont gagné +15 % en nombre de voix par rapport à 2022 et ils représentent encore près d’un quart des votants. 

Ø La droite classique perd aussi en pourcentage des exprimés, mais progresse de + 10 % en nombre de voix, passe de 64,67 % à 67,09 % des exprimés, la recomposition en faveur de l’extrême droite s’accélère. 

Ø Le NFP progresse de + 54,13 % en nombre de voix, par rapport à la NUPES de 2022 et gagne 2,40 % des exprimés, la Gauche hors NFP perd 36 % de ses voix, une partie étant désormais regroupée dans le NFP. 

Ø Le total Gauche progresse en voix (+34 %) mais perd en pourcentage des exprimés passant de 33,20 % à 31,49 % 

55 circonscriptions passent des macronistes à la gauche, 28 des macronistes à l’extrême droite, 17 de la gauche à l’extrême droite, 17 de la droite classique à l’extrême droite. 

Une grande partie des régions populaires qui avaient soutenu le Front Populaire en 1936 sont désormais acquises au RN 

  • Ø  L’extrême droite double son nombre de voix par rapport à 2022 atteignant 1/3 des votes exprimés contre 1⁄4 en 2022 
  • Ø  Le total droite progresse en voix (+ 46 %) et Le second tour et la répartition des sièges 

Les reports de voix entre les deux tours ont profité d’abord aux macronistes (22 % des votes mais 28 % des élus). Idem pour la droite classique qui avec 11 % des voix a 14 % des sièges, la gauche NFP passe de 28 % des votes à 31 % des élus. L’extrême droite est la grande perdante, passant de 34 % des voix à 25 % des sièges. 

En présence de l’extrême droite, la gauche s’est largement reportée sur des candidats de droite, à plus de 70 %. Les électeurs macronistes dans ce cas ont à 50 % voté à gauche. À l’inverse, les électeurs LR, ont fait majoritairement barrage à la gauche, 35 % préférant le RN, contre 25 à 30 % préférant la gauche.
Les RN ont été élus à 60 % face à la gauche mais à 22 % face à la droite ou des Marconistes, le RN gagne plus sûrement face à un candidat de gauche…

Selon l’âge : Les jeunes (moins de 25 ans) votent plus NFP, les plus âgés votent plus pour les Macronistes, le RN lui est assez stable selon les âges, mais bien plus présent chez les jeunes actifs et les jeunes retraités Jusqu’à 69 ans, et un peu moins chez les plus de 70 ans. 

Selon le lieu de vie : Le RN l’emporte dans les villes de moins de 10 000 habitants, dans les villes de plus de 200 000 habitants, il est battu de peu par le NFP. 

Selon le revenu et la catégorie socioprofessionnelle (CSP) : Le vote RN augmente quand la CSP diminue (57 % des voix des ouvriers, 44 % des employés et 21 % chez les cadres) et les personnes qui ont des fins de mois difficiles votent RN à 46 %. C’est dans la classe des travailleurs pauvres qu’on trouve la plus forte attraction du RN alors que 17 % de l’électorat NFP est constitué d’actifs qui ne travail- lent pas (étudiants, chômeurs…). 

Le vote macroniste est constitué aussi de diplômés, quoique dans une moindre mesure, mais ils sont plus aisés (25 % de l’électorat macroniste est aisé, le record au sein de la classe politique française). 


Le vote droite classique indique une préoccupation sur l’immigration à 37 % au même niveau que la dette publique.
Le vote Ensemble est un vote européiste, pro-guerre en Ukraine, mais marqué aussi par le sujet du pouvoir d’achat et par le souci de la santé, ce qui est un comble…

En 1988, 16 % des personnes ayant un diplôme inférieur au BAC votaient RN et en 2018 ce score était monté à 31 %. Puis, progressivement, le RN a évolué chez les diplômés au fur et à mesure que le niveau de diplôme moyen augmentait. Aujourd’hui, 5 ouvriers sur 10 « voteraient » RN, idem pour les employés à quelques unités près. 

  • Ø  Le mouvement ouvrier, depuis la fin des années 90, a enregistré peu de grandes victoires sociales et s’est même trouvé confronté à des reculs de plus en plus sérieux. La syndicalisation a reculé. La classe ouvrière s’est transformée en profondeur, elle est de moins en moins homogène, son importance et sa cohésion ont diminué avec les crises et avec le déclin de la grande industrie et de l’industrie tout court. 
  • Ø  Portées pendant des décennies par la dynamique des révolutions socialistes mondiales, les ouvriers et employés ne croient plus à la faisabilité d’un projet politique progressiste fédérateur autour d’eux. En même temps, depuis la chute du bloc soviétique, l’idée assénée d’une fin de l’histoire avec un capitalisme triomphant, n’a, pour eux, rien de reluisant. 
  • Ø  Ils ont fait les expériences répétées de la trahison libérale de la sociale démocratie et s’en sont progressivement détournés. Ce n’est pas fortuit, la percée électorale du ## date du « tournant de la rigueur » en 1983 qui a marqué la fin des espoirs suscités par la victoire de F. Mitterrand. Mais, curieusement, dans ces législatives, les sociaux-démocrates progressent et c’est le PCF, seul, qui perd des élus ! 
  • Ø  Le facteur 1er du vote RN est le rejet de l’immigré, mais dire que les électeurs du RN sont d’abord des racistes ou des xénophobes, c’est passer à côté d’une réalité bien plus complexe. Même si nous avons du mal à l’admettre, cela exprime une angoisse face à une situation économique qui se dégrade alors que le capital en crise utilise l’immigration et les délocalisations pour faire baisser les salaires et augmenter son profit. 
  • Ø  Viennent ensuite les questions de sécurité qui figurent en deuxième position pour une majorité d’électeurs d’extrême droite. Exacerbées ou non par des campagnes médiatiques concertées ces questions bien réelles ne doivent pas non plus être négligées ou méprisées. 

Mais, tout cela n’explique pas complètement ce vote « de classe » paradoxal en faveur d’une tradition politique d’une bourgeoisie nationaliste, fondamentalement antipopulaire, qui s’attaque aux acquis sociaux, au salaire, à la grève (tous les votes RN vont dans le même sens).
Alors par quel miracle le RN est-il devenu aujourd’hui pour les classes populaires la « meilleure » opposition au système ? 

La réponse est dans la crise du système qui est bien plus profonde et durable. Le capital a besoin d’accélérer la pression sur les salaires et les acquis sociaux et pour cela, il faut que les dominés consentent aux conditions de leur domination. 

Il a alors deux options, la première est de s’appuyer sur des partis de droite comme de gauche qui gouvernent loyalement dans son intérêt en s’asseyant sur la volonté populaire et qui se maintiennent au pouvoir en utilisant la menace fasciste (des politiciens de « gauche » en ont aussi usé !). Mais, lorsque ça devient impossible face à un peuple qui ne veut pas consentir, la tentation autoritaire est une option tout à fait possible pour lui. 

Dans tous les cas, il a besoin de faire progresser l’extrême droite en lui gagnant les consciences. 

Les rôles de l’éducation (notamment l’enseignement historique des « totalitarismes » de droite et de gauche qui efface les repères) comme des puissants médias, progressivement captés par des puissances d’argent, sont essentiels pour déconsidérer les expériences socialistes, les politiques progressistes et dédiaboliser le RN. Le discours faussement « social » de ce dernier fait le reste. 

C’est ainsi qu’on arrive à faire croire que les plus durs défenseurs du capital sont anti-système ! Nicole Grenier Mérico 

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