L’exode relève de la condition humaine.

Des colonnes de migrants j’en ai croisé pendant des siècles. Non seulement elles n’ont jamais cessé mais elles ont cru avec le temps. Leur fréquence a augmenté, ainsi que le nombre de marcheurs qui les composent, passant d’une trentaine d’individus à plusieurs centaines, plusieurs milliers, plusieurs millions.

A ceux qui doutent que l’humanité s’améliore je signale ce progrès indiscutable !

Aujourd’hui, sur les écrans, j’aperçois des familles hagardes qui échappent aux coups d’une tyrannie ou aux bouleversements du climat. Lorsque j’arpente Beyrouth, je rencontre des syriens cherchant à s’éloigner des terroristes qui les asservissent, des bombardements qui détruisent leur ville, de la famine, de la pauvreté, de l’injustice, du chaos.


L’exode relève de la condition humaine.

Pourtant ceux qui ne fuit pas, refusent cette réalité. Provisoirement à l’abri campés sur leur terrain ainsi qu’un chêne dans le sol, prenant leurs pieds pour des racines, ils estiment que l’espace leur appartient et considèrent le migrant comme une être inférieur doublé d’une nuisance. Quelle bêtise aveugle !

J’aimerais tant que l’esprit de leurs aïeux circule en eux pour leur rappeler les kilomètres parcourus, les transhumances sans fin, la peur au ventre, l’incertitude, la faim. 

Pourquoi au fond de leur chair, ne subsiste pas les souvenirs de leurs anciens qui survécurent au danger, à l’hostilité, à la misère des guerres ? La mémoire de ces courages ou de leur sacrifice les rendrait moins sots.
S’ils connaissaient et reconnaissaient leur histoire, leur fragilité consécutive, la volatilité de leur identité, ils perdraient l’illusion de leur supériorité. 

Il n’existe pas d’humains plus légitimes à habiter ici que là.
Le migrant n’est pas l’autre ; le migrant c’est moi hier ou moi demain. 

Par ses ancêtres ou par ses descendants, chacun de nous porte mille migrants en lui.

Éric-Emmanuel SCHMITT Paradis perdus

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