Démographie des professionnels de santé –
Le point sur la situation actuelle dans notre pays
– Les besoins
Recherches de Nicole Grenier Mérico Directrice d’un établissement mutualiste gérant des établissements de santé
Préliminaires
La population française est de 67,5 millions de personnes
Elle a progressé de +16 millions (+30,57 %) depuis 1972.
→ Pour 2050 les projections montrent une progression
de +1,7 millions (+3%) pour atteindre 69,2 millions
DÉMOGRAPHIE DES MÉDECINS
ETAT DES LIEUX
1- Les effets délétères du numerus clausus
→ Mis en place en 1972, Il est passé de 8500/an à 5000/an entre 1985 et 2005 et il est descendu à moins de 4000 médecins /an entre 1992 et 2002.
→ En 50 ans on a formé en moyenne par an 20% de médecins en moins qu’en 1972, soit sur la période un déficit de 70 000 médecins.
→ Avec la hausse de la population (+30 %) l’écart pourrait même être évalué à un déficit de 170 000 médecins équivalent à 80 % de la population de médecins en activité en 2021 (214 000)
→ L’arrivée de 30 000 médecins formés à l’étranger (multipliée par 2,4 pendant la période) a un peu limité la baisse de la densité
2-Diminution continue du nombre de généralistes
→ En 2021, sont en activité 214 500 médecins dont 94 500 généralistes (44 % de l’ensemble) et 120 000 spécialistes (56 % de l’ensemble)
→ Le nombre de généralistes continue à diminuer nettement depuis 2012 (- 5,6 %) et la densité encore plus (-8,4%), elle est passée de 153 à 140 pour 100 000 habitants en 2021.
→ 65% des généralistes et 48 % des spécialistes sont en libéral, activité cumulée pour plus d’ 1 sur 5 avec une activité salariée.
Une pyramide des âges préoccupante
→ La moyenne d’âge des médecins est de 49,3 ans,
→ Cet âge a un peu baissé dans les 10 dernières années du fait du départ de générations nombreuses ante/ NC
→ Mais 41% des médecins ont plus de 55 ans, 25% plus de 60 ans et 10% plus de 65 ans!
4-Une répartition géographique inégale
→ Cela va de 400 médecins pour 100 000 habitants en PACA, 385 en île de France à 251 en Picardie région la moins bien dotée soit un écart de près de -40%
→ La baisse de densité des généralistes affecte quasi l’ensemble des régions françaises, mais le déséquilibre se creuse (écart supérieur à 20% entre les mieux dotés et les moins dotés)
→ pour les spécialistes le rapport est même de 30%
5- La situation dans la Drôme : les Généralistes
→ 391 généralistes libéraux, une densité inférieure de 25% à la moyenne nationale qui est de 124,5/1000000 habitants
→ Baisse de 6 % entre 2010 et 2020 et de 3,1 % entre 2019 et 2020.
→ Age moyen proche de la moyenne nationale, avec une pyramide des âges défavorable : 57% ont plus de 50 ans, 38% 60 ans et plus, et 16% 65 ans et plus
→ conséquence : 51% de la population de la Drôme est soumise à un risque démographique à 5 ans.
→ la Drôme fait partie des rares départements qui ont des communes dont la population est située à plus de 20 minutes d’un médecin généraliste (0,5% de la population du département)
5- La situation dans la Drôme ; les spécialistes
→ La densité des médecins spécialistes est inférieure de 4% à la moyenne Auvergne Rhône Alpes et de 20% à la moyenne nationale.
→ La densité totale des médecins est inférieure de 3% à la moyenne Auvergne Rhône Alpes et de 12% à la moyenne nationale.
→ En termes d’attractivité pour le corps médical la Drôme se situe à la 56eme place sur 106 départements
5- La situation du canton de Dieulefit/Marsanne
→ 22 médecins généralistes exercent sur le canton pour 23633 habitants soit une densité de 93/100000 habitants, -25 % par rapport à la moyenne nationale (idem Drôme entière)
→ Ces médecins sont regroupés dans 7 des 47 communes du canton, donc pour 85% des communes, les habitants doivent se déplacer dans une autre commune pour consulter un généraliste.
DÉMOGRAPHIE DES MÉDECINS
PROJECTIONS DREES
Préliminaires
→ Le Numerus Clausus a été supprimé en 2021 et remplacé par l’Apertus Clausus (AC) qui affiche l’ambition d’objectifs quinquennaux de formation concertés dans le cadre d’une Conférence nationale des acteurs du monde de la santé, s’appuyant sur les propositions des acteurs locaux
Cependant :
→ Rien n’est annoncé concernant les moyens universitaires et pratiques pour appliquer ces objectifs, il reste donc une limite : celle du nombre de places en fac.
→ La réforme de la première année de médecine avec un double parcours très inégalitaire pose question.
Donc des craintes légitimes quant à la concrétisation de l’ambition affichée…
1- Synthèse des modèles de projection retenus par la DREES jusqu’en 2050
→ Il faut 10 ans pour qu’une politique de formation des médecins commence à produire ses effets.
→ La DREES retient l’hypothèse d’une stagnation du nombre d’entrants (sorties de formation entre 9000 à 10000 places /an), comme de l’arrivée de médecins à diplômes étrangers) par rapport à 2021.
Sur ces bases elle projette
→ Une diminution des effectifs jusqu’en 2024, puis une augmentation légère pour retrouver le niveau actuel de 214500 médecins en 2030.
→ Une augmentation des effectifs ensuite, mais insuffisamment forte ( +1,5 % en moyenne/an) pour faire évoluer positivement la densité qui, continue à diminuer et ce sans même intégrer le facteur du vieillissement de la population.
Commentaires sur ces projections DREES
→ Décennie 2020/2030
Sur cette décennie il est trop tard pour intervenir sur le quota de formation des médecins, ces niveaux de formation même relevés depuis 10 ans, restent encore inférieurs au nombre des départs et feront encore baisser la densité de 318 médecins pour 100 000 h à 307 d’ici 2030, soit -4%. Or le niveau actuel ne couvre déjà plus les besoins en ville ou à l’hôpital et ne garantit pas l’accès aux soins.
Les 10 années qui viennent risquent donc d’être très difficiles et cela appelle un plan d’urgence dont on ne voit aucun signe.
C’est la sécurité sanitaire qui est en cause
→ Décennie 2030/2040:
– Les projections DREES ne permettent d’atteindre la même densité de 2004 (soit 345/100 000 habitants) qu’en 2040, même avec une forte présence des médecins à diplôme étrangers qui n’est pas acquise
– Pour atteindre en 2040 la même densité que l’Allemagne (410/100 000h), il faudrait former 13500 médecins /an pendant 10 ans à partir de la rentrée 2022 ou 15000 médecins par an pendant 10 ans si on ne tient pas compte des médecins à diplômes étrangers.
Cela sans intégrer les facteurs du vieillissement de la population, de l’aspiration des médecins à la réduction du temps de travail alliée à la féminisation de la profession.
Les inégalités de territoire sont réelles, les besoins hospitaliers ne sont pas satisfaits un rééquilibrage de la densité est absolument nécessaire pour faire coïncider la réalité des installations avec les besoins locaux
Mais Hormis l’évocation de possibles nouvelles incitations financières, la DREES n’en dit rien…
Question taboue ?
2 – Commentaires sur les projections DREES
La nécessaire réforme des études et des spécialités, une question peu abordée par la DREES
→ Il faut corriger le déséquilibre entre nombre de généralistes et spécialistes formés et, alors que 96 % des généralistes sont en secteur 1 et la grande majorité des spécialistes en secteur 2, la question des dépassements d’honoraires doit être abordée.
→ Du côté des spécialistes, il faut corriger le déficit de certaines spécialités : gynécologues, obstétriciens, anesthésistes réanimateurs, ophtalmologues, médecines d’urgence, médecins de prévention.
→ La démocratisation des études médicales est nécessaire or le mode de recrutement mis en place en 2021 ( avec un double parcours PASS et LAS) semble creuser encore plus les inégalités…